Citation de Victor Hugo sur la mélancolie.

 

 

Victor Hugo (1802 – 1885), poète, écrivain et dessinateur français. 

Cette phrase vient du livre de Victor Hugo « Les Travailleurs de la mer », Tome II (1892). Il y écrit :
« La mélancolie est un crépuscule. La souffrance s’y fond dans une sombre joie.
La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste. »

Victor Hugo décrit ici une mélancolie bien différente que celle décrite dans les manuels de psychiatrie actuelle qui la voient comme étant la forme la plus grave de dépression, et en plus comme étant une psychose. Ils auraient pu choisir un autre terme pour décrire leurs symptômes; parce que je ne la vois pas comme étant un état aussi grave que celui qu’ils décrivent, car comme le dit Victor Hugo, il y a une dimension d’appréciation de l’état de tristesse dans la mélancolie. Ça ressemble plus à une névrose qu’à une psychose, c’est-à-dire que la personne est conscience de ce qui se passe, alors que dans la psychose, elle ne l’est pas.

Les Grecs allaient encore plus loin: la mélancolie était vue comme étant la maladie des gens de génie, des créateurs, qui contribuait même à leur créativité. Hippocate la voyait comme étant la maladie des gens dont l’élément Terre dominait et son organe correspondant était la rate avec sa bile noire (qui veut dire mélancolie en grec) et la saison correspondante était l’automne. Les gens comprenaient l’importance du symbolisme et de l’analogie à l’époque.

Mais il y a un aspect que je voudrais mettre en évidence, et pour cela revenons-en au passage de Victor Hugo. « La souffrance s’y fond dans une sombre joie ». Ca m’a fait penser à quand on pleure de joie : dans notre esprit, on a du mal en général à associer un jugement positif à un fait autrement vu négativement : ici, l’appréciation de la tristesse, et dans l’exemple suivant, la joie associée aux pleurs. C’est pourtant ce qu’il se passe. À l’extrême, les masochistes en savent quelque chose…
Je voulais juste pointer ce fait, parce que beaucoup de personnes dans ce milieu de pensée positive ont tendance à croire que le bonheur c’est d’être positif, et que le malheur c’est d’être négatif, et qu’il faut être positif à tout prix.

En fait, c’est plus compliqué que ça. C’est vrai qu’en général, c’est mieux de voir la bouteille à moitié pleine plutôt qu’à moitié vide, mais quand elle est vide, elle est vide, et le sentiment qui va avec est un sentiment naturel qui doit être vécu et non pas balayé sous le tapis sous prétexte qu’il faut être « positif ».
De plus et surtout, la positivité a sa contrepartie polaire, et il ne peut y avoir de positivité sans négativité. Ce sont les deux pôles d’une même chose : la dualité. On vit dans un monde duel : moi — les autres ; le jour — la nuit ; la présence — l’absence ; la faim — la satiété ; le haut — le bas, etc. L’un ne veut rien dire sans l’autre, et non seulement ça, mais il ne peut pas exister sans l’autre ! On ne peut ressentir le bonheur sans savoir ce qu’est le malheur. Et la joie sera d’autant plus intense qu’on aura expérimenté le contraste entre les deux. Que le repos est bon quand on s’est bien activé auparavant!

Alors pourquoi une personne trouverait-elle agréable d’être mélancolique ? C’est un sentiment que je connais, et que vous avez aussi sûrement expérimenté. Quand j’essaye de ressentir à nouveau ce sentiment, j’y retrouve un goût pour une certaine passivité ; il y a comme un relâchement des tensions, la mélancolie se manifestant en général après un trauma, ou lors d’un moment dans la vie où les énergies changent de direction : on se tourne à l’intérieur ; cet état a un côté introspectif, méditatif.
C’est aussi une étape dans le processus de lâcher-prise, le moment où on a du mal à le faire, où on reste encore quelque part attaché à ce qui est parti.
La mélancolie a aussi un côté apaisant, car on se retrouve sans désir autre que celui de vivre ce sentiment.
Ce sentiment est aussi, je pense, à la racine de la naissance de l’observation de soi. Le mélancolique observe d’une manière assez détachée les choses. Il est triste, mais un côté de lui est heureux d’observer cette tristesse; il n’y est pas complètement identifié comme dans la dépression. Après tout, la vie est un film, un jeu vidéo ou une illusion, le rêve des aborigènes, ou la maya des hindous; et le mélancolique vit cet aspect de « comédie dramatique ».

En évolution négative, la mélancolie peut se transformer en dépression, qui est une autre histoire, et où on n’apprécie plus rien du tout, et où l’observateur disparaît en s’identifiant complètement à sa souffrance. Mais si elle évolue positivement, la mélancolie se transformera en introspection du problème concerné, une réflexion pourra s’amorcer et amener à la connaissance de soi, et sera l’étape transitoire entre un ancien et un nouvel état.

Quelque part, on a tous nos moments mélancoliques… Chez certains, ça dure et chez d’autres, c’est éphémère. Mais la durée n’enlève rien à l’intensité de l’expérience.

Je tiens à préciser que tout ceci ne sont que mes propres réflexions d’après les souvenirs que j’ai de mes expériences mélancoliques personnelles, et qu’elles ne valent que par le fait que je les ai ressenties, pensées et accessoirement exprimées.

Ça a l’air contagieux la mélancolie; ça me donne envie de finir sur une note mélancolique…

(Soupir…) Nous voilà à la fin de cet article… Qu’est-ce que je pourrais dire? (encore un soupir)… À quoi ça sert tout ça ? Des petits bytes électriques dans une mer de milliards de térabytes, entraperçues fugacement, puis oubliées encore plus rapidement par les petites étincelles divines, elles-mêmes électriques, que nous sommes. Laisserez-vous une trace de votre passage, ou vous en irez-vous vers d’autres horizons virtuels plus avenants? … (Soupir…) 🙂