La Psychologie de l’Autosuggestion 

 

(Article paru dans « Les Forces Mentales » en 1907 et écrit par R.C. Sadler. Je tiens à rappeler pour ceux qui ne le savent pas que Sadler était américain et que le français n’était pas sa langue maternelle. J’ai donc édité les principales fautes, mais laisser les autres pour ne pas changer sa manière de s’exprimer.)

Parmi ceux qui commencent à étudier l’occultisme, il y a un très grand nombre, nous dirons même un trop grand nombre de personnes, qui n’ont pas d’autre but que de faire des expériences hypnotiques. La plupart des hypnotiseurs professionnels n’agissent pas différemment ; ils se contentent de suggestionner les autres, sans jamais approfondir l’étude du mentalisme et des questions variées qui en découlent. Loin de nous de leur en faire reproche ! Ils ont le droit de se limiter à l’hypnotisme qui est leur « gagne-pain », mais il est dommage que ceux qui devraient être les premiers à en approfondir l’étude soient plutôt les premiers à tourner le dos à cette science.

L’hypnotisme, malgré tous les résultats obtenus par la suggestion, n’a jamais été, et ne sera jamais plus que la manifestation la plus élémentaire et la moins importante de la supériorité de l’esprit sur la matière. N’oublions pas que le jour où l’on ne pourra plus hypnotiser, est fatalement forcé d’arriver ! Tous les procédés d’hypnotisation se basent sur ce principe que l’opérateur prend avantage de ce qu’il sait sur ce que le sujet ignore, de par la loi de la dualité de l’esprit, et la capacité limitée de notre cerveau, qui nous empêche d’entretenir plus d’une seule idée à la fois.

Certes, le progrès de propagation de ces connaissances n’est pas rapide, il est cependant certain et appréciable. Qu’arrivera-t-il le jour où tout le monde saura que la puissance de l’hypnotisme réside dans le sujet, et non dans l’opérateur ? Très simplement ceci : On ne trouvera plus personne susceptible à être hypnotisé.

Ne croyez pas cependant que ce sera un désavantage ! Plus les connaissances du Mentalisme se répandront, plus le monde apprendra à se libérer de ses vices, de ses défauts, et de toute souffrance. Le « Scientisme » (Christian Science) prétend Guérir toutes les maladies, il affirme que la « Douleur n’existe que dans l’imagination ». Dieu a créé l’homme sain, sans maladie, et la maladie ne peut exister que là où Dieu ne règne pas. La prière, La foi, sont les seuls moyens de traitement de cette secte.

Je ne suis pas un adhérent du « Scientisme », et je crois trouver l’explication des guérisons merveilleuses dont il se targue dans la simple science mentale, mais il ne peut être nié que les résultats obtenus par les adhérents du scientisme sont stupéfiants.

Pour moi, tout ceci est de la simple suggestion, présentée et manipulée de telle manière que le malade ne sait même pas qu’il est suggestionné. Le guérisseur, d’ailleurs, ne s’en rend pas compte, non plus ! Il ne prétend pas guérir, ne prétend pas traiter. Il implore simplement l’intervention de Dieu, à laquelle toute amélioration du patient est attribuée. Un homme a pêché, il s’est éloigné de sa foi — il devient un sujet disposé à la maladie. Le guérisseur ramène l’enfant perdu, il prie pour lui et Dieu Tout-Puissant et Tout-Charitable lui pardonne et lui rend la santé.

Si vous demandez Pourquoi il arrive que les adhérents eux-mêmes deviennent malades, ils vous répondront avec le texte de la Bible qu’il y a des degrés différents de foi. Ils avouent humblement avoir erré et considèrent leur souffrance comme une preuve qu’ils n’ont pas encore eu assez de véritable, d’intime et d’absolue Foi dans leur Seigneur.

Nous pouvons nous détourner de leur croyance, le savant peut prouver logiquement et scientifiquement que la foi ne saurait agir comme défense contre l’infection de certaines maladies, il restera pourtant vrai que les « Scientistes » mènent une vie plus saine et plus pure que les autres, qu’ils sont plus tolérants et plus charitables, et qu’en général ils sont bien moins fréquemment malades.

Pour le psychologue, comme je viens de le dire, ce culte entier n’est autre chose que de la suggestion et de l’autosuggestion. Mais il est certain aussi que ce genre de suggestion est infiniment supérieur à celui de l’hypnotisme. Ici, nous pouvons dire en vérité, que le malade est guidé, qu’il est mené à se suggestionner, et cette suggestion est d’autant plus efficace qu’elle est inspirée par le motif le plus élevé — la croyance en l’intervention d’un être suprême et tout puissant.

Le traitement hypnotique ordinaire, ne produit que des suggestions que le malade sait provenir d’un autre être humain, mais le « Scientiste » se sent soulagé par son Dieu. Il est facile à comprendre que l’effet dans ce dernier cas est infiniment plus profond et plus fort. Le « Scientisme » stimule l’esprit inconscient sans que le patient puisse même soupçonner que son amélioration est le simple résultat de sa confiance et de sa croyance.

La morale de tous ces exemples est toujours la même. Une fois que nous avons découvert les raisons et les lois fondamentales sur lesquelles ces effets se basent, nous pouvons les appliquer sur nous-mêmes.

Voici le reproche que j’ai toujours fait à l’hypnotisme : il nous oblige à employer un autre pour faire ce que nous pourrions aussi bien faire seuls. Savoir qu’un autre nous a donné de l’énergie, de la volonté et de la confiance en nous-mêmes, c’est fatalement arriver à la conclusion que cet autre est supérieur à nous.

Je n’ai jamais cessé de prêcher ce premier principe de la Nouvelle-Pensêe : Personne n’est né avec plus de droits au Succès et au Bonheur que nous même. Nous sommes tous le produit de nos expériences, et nos expériences seront, toujours les conséquences de nos actions, les résultats naturels de notre manière d’agir. Que les hommes sont drôles ! C’est toujours la vérité la plus simple, la chose la moins compliquée du monde entier qu’ils manquent de comprendre. Si les Disciples des doctrines de la « Nouvelle-Pensée » offraient une drogue mystérieuse, « provenant de l’Orient » et vendue à prix très élevé, il n’y aurait personne qui douterait de son efficacité.

Est-il donc si pénible de voir que le seul bonheur ne peut résider qu’en nous-mêmes ? « Le monde » ne peut-il donc vraiment comprendre que notre vie a toujours été, et sera toujours, ce que nous la rendons ? Si vous luttez avec des difficultés, pourquoi vous en décourager ? N’avez-vous donc jamais éprouvé cette satisfaction profonde qui nous vient dès que nous avons vaincu un obstacle ? Quand un homme tend chaque muscle de son corps, quand il force chaque nerf pour vaincre, quand il se redresse après chaque coup de désappointement que lui inflige la vie, quand il sort finalement de la lutte, fatigué, épuisé, mais vainqueur, n’est-ce pas là l’exemple de notre suprématie, là l’évidence de notre « particule divine » ?

L’homme qui mérite la désignation de « Homme » ne craint pas les obstacles, il leur souhaite la bienvenue. Quel mérite y aurait-il dans une vie sans ennui, sans risque, et sans lutte ? Celui qui veut trouve toujours qu’il « peut ». Chaque influence, telle que douleur physique ou morale, plaisir matériel ou intellectuel, désir ou tentation, contient une force qui agit sur notre corps et notre âme. S’il en était autrement, vos sentiments, comment pourraient-ils jouer avec vous ? Un amour passager, une tristesse, comment pourraient-ils vous faire perdre votre jugement ? Abandonnez-vous à ces impulsions, et la force contenue en elles se dépense pour vous influencer ; dites-vous : « Non, aucune douleur ne me découragera, rien ne me fera perdre le suprême contrôle sur moi-même et ma vie », et la force de votre impulsion vient agrandir votre réserve de pouvoir et de courage, et tout découragement est parti.

L’homme n’a pas été appelé au monde par une Création haineuse, mais par une Création qui a voulu le rendre son chef-d’œuvre, le gardien du monde. Regardez la nature autour de vous, voyez les grands navires qui se sont rendus maîtres de l’Océan, les forces de l’eau, du vent, du Soleil, de l’électricité, dont nous sommes devenus les Souverains — voulez-vous insister à vous croire malheureux ? Comment ? Vous dites que votre voisin possède cent mille francs de rentes, et vous n’avez pas le sou ? Mais peut-il vous empêcher d’être content de votre sort, peut-il vous empêcher de voir le Soleil et les étoiles ? Ne vous est-il pas permis de travailler autant que vous le voulez, pour votre avancement ? Celui qui est sage ne regarde pas, d’ailleurs, son voisin — c’est une perte de temps et d’énergie. Laissez-le faire ce que bon lui semble, occupez-vous seulement de vous-même.

La « Nouvelle-Pensée » est une bien vieille pensée. Elle ne connaît ni dogmes, ni culte, elle veut simplement vous « remuer ». Elle veut parvenir à faire comprendre au monde que causer vaut bien — agir vaut mieux. Vous le savez ? Je n’en doute pas, mais l’exécutez-vous ? C’est là le but que nous nous proposons d’atteindre. Le monde est si vieux qu’il commence à s’endormir. Il est blasé et il a depuis si longtemps été « nerveux » qu’il a commencé à croire que le système nerveux est Tout, et que le MOI Humain n’est rien. Ce que, nous, nous prétendons n’est que ce qui est naturel. Rentrez-vous bien cette idée dans le cerveau que c’est naturel d’être heureux, naturel d’être sain, qu’il est juste de jouir de votre vie et stupide de toujours vous plaindre, même en vos propres yeux.

Nous nous détournons quand les vieilles femmes nous racontent leurs souffrances ; cela nous ennuie et nous « rend nous-mêmes malades ». N’est-il pas certain que nous nous rendons malades également, quand nous insistons à penser à nos propres souffrances, échecs, et désappointements ?

Ces lignes ne vous apprendront rien que vous ne sachiez déjà — nous ne l’ignorons pas en les écrivant. Ce que nous voulons faire, je l’ai dit plus haut, c’est vous entraîner à exécuter pratiquement ce que vous savez théoriquement. Ne prenez pas de bonnes résolutions — n’en faites aucune. Commencez tout simplement à vous dire que vous êtes là pour être heureux, que vous voulez et que vous pouvez réussir, et que le succès sera le résultat naturel de vos efforts. Remuez-Vous !

Défaites-vous de tout ennui qui vous gêne — laissez-le simplement, à être ramassé par qui le voudra bien. Dites-vous chaque matin que vous êtes content de vivre, content de respirer, l’air, le grand air sur lequel aucun gouvernement ne peut mettre d’impôt ! Prenez en autant que vos poumons peuvent contenir, inhalez à pleine force ce courant de vitalisme, ce créateur d’énergie et de puissance. La nourriture, cet autre moyen d’induction de force, nécessite le processus fatigant de la digestion, la respiration n’entraîne aucun pareil désavantage. Consommez assez de nourriture pour vous maintenir sur un niveau de force, mais pas assez pour jeter un trop grand effort de digestion sur votre organisme. Quant à l’air, plus vous pourrez en absorber, mieux cela vaudra. Nous reviendrons sur celle question de la respiration profonde, dans une de nos prochaines causeries. D’ici là, contentez-vous à habituer vos poumons à une respiration régulière et plus profonde que vous ne l’avez pratiquée jusqu’à ce jour.

Ceux qui veulent réussir ne peuvent se permettre de dissiper leurs forces, ou de négliger un moyen susceptible à les augmenter. Parmi tous ceux-là, il y en a peu qui sauraient se tenir au même rang que la « Science de la Respiration ». N’oublions pas que notre énergie vitale a besoin d’être maintenue si nous tenons à rester capables d’attaquer nos obstacles, et ne gaspillons pas cette force par des pertes continuelles subies pour satisfaire nos impulsions.

L’homme qui lutte toujours finira par gagner, ne fût-ce, pour le moment, que la moitié seulement de son but. Tout progrès permanent est graduel, et si vous voulez attaquer vos difficultés avec courage et détermination, avec cette certitude absolue qu’à la longue vous ne pouvez manquer de réussir, vous verrez que vous aurez bientôt fait des progrès.

R.C. Sadler.